Conférence «Impreuna protejam Romania »
MediaUno – 16 septembre 2020
Une vision française de la crise de la CoVid-19
Par Michèle Ramis, Ambassadrice de France en Roumanie
L’épidémie de COVID-19 nous a tous pris par surprise au début de l’année. Elle a frappé le monde d’Est vers l’Ouest. En Europe, elle a suivi des chronologies et des intensités différenciées, avec un déplacement différent, d’Ouest vers l’Est.
Du fait du caractère ouvert de son économie et du nombre élevé de visiteurs étrangers, la France a été particulièrement touchée dans la 1ère phase de la pandémie.
Cette crise nous a frappés brutalement et nous avions affaire à un virus totalement inconnu et au comportement imprévisible. La priorité de mon Gouvernement a été la préservation de la santé publique au détriment, inévitablement, de l’activité économique. Dès le 16 mars, le gouvernement français a décrété le confinement général de la population afin d’aplatir le plus possible la courbe des hospitalisations en soins intensifs et d’éviter la saturation des services de réanimation.
Cette stratégie, combinée aux transferts de patients entre régions de France, ou vers des hôpitaux allemands, autrichiens, luxembourgeois et suisses disposant de capacités disponibles, a atteint son objectif et permis de passer le pic sans débordement de nos hôpitaux.
Mais il est apparu très vite que la pandémie allait avoir un impact économique des plus sévères, comparable à la grande dépression de 1929, avec un recul du PIB français estimé entre 8 et 11 % sur l’année 2020. Dès le début de la crise, l’économie n’a donc pas été oubliée et mon gouvernement a mis en place un plan d’urgence de soutien de 45 milliards d’euros pour protéger les emplois et les entreprises : prise en charge des indemnités de chômage partiel (87,5% du salaire) ; allègement de charges pour les entreprises (report de versement des cotisations sociales et des impôts) ; création d’un fonds de solidarité pour les petites et moyennes entreprises ; plus déblocage de 300 milliards d’euros de garantie d’Etat des emprunts pour soulager la trésorerie des entreprises.
Cette double stratégie a bien fonctionné. Une fois obtenues la baisse de l’ensemble des statistiques (nombre de cas, de décès, d’hospitalisations), les autorités françaises ont mis en place un déconfinement progressif à partir du 11 mai. Il s’agissait de faire repartir l’économie, en quasi-arrêt pendant deux mois. Nous avons pu progressivement relâcher les contraintes sur les mouvements de personnes et permettre la reprise de la plupart des activités publiques avec des mesures de précaution sanitaires. Le port du masque est obligatoire dans la plupart des villes et pratiquement partout, dans la rue, les transports, les magasins, les entreprises. La distanciation physique est requise.
Certes, les vacances d’été, qui ont entraîné des déplacements de personnes et des retrouvailles amicales et familiales, ont été à l’origine d’une reprise des contaminations en France, comme dans d’autres pays européens. L’augmentation du nombre de nouveaux cas résulte également du fait que nous avons considérablement augmenté le nombre de tests PCR qui sont désormais gratuits partout en France. Un million de tests sont réalisés chaque semaine et la France est le 3ème pays qui teste le plus en Europe. Le taux de mortalité reste très faible, mais le nombre d’hospitalisations a repris sa hausse.
Devant cette évolution, le gouvernement français a adopté une nouvelle stratégie visant à mieux contrôler la situation en renforçant la prévention et la lutte contre l’épidémie mais en ayant le souci d’éviter un reconfinement généralisé. Car nous devons apprendre à vivre avec le virus, qui va être parmi nous pendant un temps encore indéterminé. La France a donc mis en place une gestion territorialisée de l’épidémie, qui s’adapte aux conditions locales, sous l’autorité des préfets. Nous prenons ainsi des mesures restrictives localisées dans les régions les plus touchées, si les capacités hospitalières sont en danger de saturation. 42 départements ont été placés en « zone rouge » et des mesures pour limiter la contamination sont mises en oeuvre (telles que l’interdiction des fêtes de mariage et de divers rassemblements).
En ce qui concerne les décès, la situation est relativement encourageante aujourd’hui. Durant les 3 premiers mois de la crise, entre le 1er mars et le 30 mai, la France a connu 29 000 décès. Aujourd’hui, elle en compte 31 000, 3 mois et demi après la phase aigüe de la crise, ce qui témoigne d’un coup d’arrêt donné aux cas les plus dramatiques grâce aux mesures de confinement et à celles qui ont accompagné le déconfinement.
Face à ce désastre sans précédent pour nos populations et nos économies, iI était essentiel que soit définie une réponse européenne forte basée sur la solidarité, car les économies des 27 sont interdépendantes et aucun Etat ne peut prétendre s’en sortir seul. C’est pourquoi le Président Emmanuel Macron et la Chancelière allemande Angela Merkel ont proposé à leurs partenaires européens un plan de relance inédit et historique de 500 milliards d’euros financé par un emprunt contracté par la Commission européenne et remboursable par de nouvelles ressources propres de l’Union européenne. Cette proposition a servi de base à la Commission européenne pour les négociations entre Etats-membres. Le plan de relance, adossé à un nouveau budget 2021-2027 pour l’Union européenne, a été approuvé par le Conseil européen après d’intenses négociations, le 21 juillet.
Ce plan prévoit un financement massif par l’Union européenne, à concurrence de 750 Mds d’Euros, des plans nationaux de relance et favorisant les économies les plus touchées par la crise, combinant dons et prêts. Par son ampleur et le caractère profondément innovant d’un grand nombre de ses mesures, le plan de relance et le budget 2021-2027 permettent à l’Union européenne d’être porteuse de solutions à long terme fondées sur la solidarité, l’innovation, la transition écologique et le numérique. Si l’Union européenne a paru lente à réagir au début de la crise, c’est elle qui apporte désormais des solutions pour réduire les effets de la crise économique sur nos pays. C’est bien l’Europe et sa réponse solidaire et novatrice qui va sauver nos économies de l’impact du COVID19.
En effet, l’heure est maintenant à la relance. Le 3 septembre, le Premier ministre Jean Castex a présenté un plan de relance de 100 milliards d’euros sur 2 ans, autour de trois axes majeurs : transition écologique, compétitivité des entreprises, cohésion sociale et territoriale. A travers ce plan, la France espère retrouver en 2022 le niveau d’activité d’avant la crise. Sur les 100 milliards d’euros du plan de relance français, 40 milliards seront fournis par l’UE, essentiellement sous forme de prêts.
Parallèlement, la France a œuvré avec ses partenaires pour la mise au point de réponses multilatérales. Ainsi, le Directeur Général de l’OMS, le Président Emmanuel Macron et la Fondation Bill & Melinda Gates ont lancé le 24 avril l’initiative ACT-Accelerator pour appuyer la capacité de diagnostics, de traitements et de vaccins, ainsi que les systèmes de santé. Pour sa part, l’Union européenne négocie des contrats de pré-achat pour le compte des Etats membres avec les principaux laboratoires pharmaceutiques lancés dans la recherche d’un vaccin, à la suite d’une initiative prise par la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie, en mobilisant les fonds d’urgence de la Facilité Européenne Structurelle et d’Investissement (ESI). Enfin, la réunion ministérielle de l’Alliance pour le Multilatéralisme le 26 juin, co-présidée par la France et l’Allemagne, à laquelle a participé le ministre roumain des Affaires étrangères, a adopté la déclaration « Renforcer l’architecture multilatérale de santé », en appui à l’OMS et aux Nations Unies.
Au-delà de l’Europe, la France promeut, au G-20 notamment, le report de la dette pour les pays les plus affectés par la pandémie. Dès que des vaccins auront été mis au point, la France milite également pour que l’Union européenne finance la vaccination de la population des pays moins avancés.
Bien sûr, personne ne peut prédire l’évolution de cette pandémie et le comportement de ce virus encore inconnu il y a quelques mois. Il nous faut donc conjuguer persévérance, vigilance, prudence et respect des mesures sanitaires pour pouvoir vivre et travailler avec le virus en préservant à la fois la santé humaine et nos économies. Nous en apprenons un peu plus chaque jour sur la COVID-19. Mais ce que nous croyons est que cette crise, même si elle est dramatique pour l’humanité, peut être porteuse d’opportunités.
Nous le voyons en Europe : la pandémie aurait pu désintégrer l’Europe, elle l’a au contraire soudée et lui a permis de faire un bond qualitatif et de définir des instruments innovants et fondés sur la solidarité pour assurer la survie de nos économies et de nos sociétés. La crise nous a obligés, dans l’urgence, à définir de nouveaux modes de travail dont nous conserverons une partie pour leur efficacité (tels que le télétravail). Elle nous oblige à accélérer la transition numérique, la transition écologique. Beaucoup d’évolutions qui n’étaient pas possibles hier le sont aujourd’hui. Cette crise ne peut pas seulement nous avoir volé des vies, du temps, des emplois, notre mode de vie.
Nous devons faire en sorte qu’elle nous apporte une vision du monde plus responsable, plus sage, plus solidaire.